Tribune: Les jeunes chercheurs sont bien plus que des Professeur Tournesol, ce sont des innovateurs

22 June 2017

Suite à l’article paru dans LE MONDE ECONOMIE, par Marine Miller, Adrien de Tricornot et Gabrielle Ramain, intitulé: “Doctorants : trois minutes de gloire avant la galère” (20-06-2017), le Réseau BIOTechno souhaite réagir et réaffirmer que les docteurs ont une valeur à faire valoir, et des compétences adaptées à de nombreux métiers au-delà du parcours de recherche académique classique.

 

 

En juin, à Strasbourg, Lyon, Dijon et Paris, plusieurs centaines de jeunes chercheurs ont participé au Forum BIOTechno et ont pu ainsi échanger avec de nombreux professionnels issus des entreprises de biotechnologies présents sur place. (Photo Ludovic Enkler)

Le doctorat, formation d’excellence, est le résultat de plusieurs années de recherche sur un sujet qui n’a encore jamais été exploré. Ce sont souvent les prémices des projets scientifiques les plus ambitieux. Cependant, en sortie de thèse, les nouveaux docteurs se heurtent à la dure réalité du monde du travail, avec un nombre très limité de postes de chercheurs permanents dans les grands organismes de recherche publics (CNRS, INSERM, INRA…), comme dans les universités pour les postes de maîtres de conférences. D’après un rapport des Directions Générales de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation en 2016, 37% des Docteurs en Sciences de la Vie et de la Terre (diplômés en 2010) étaient en emploi à durée déterminée. Malgré tout, pour ceux qui veulent tenter leur chance, le chemin est encore long et cela nécessite le plus souvent plusieurs expériences post-doctorales à l’étranger pour espérer décrocher un poste à leur retour en France. Devenir chercheur est donc un défi de longue haleine, avec un nombre toujours plus important de diplômés pour un nombre de postes permanents qui reste globalement constant. Bien souvent, le post-doctorat, qui ne devait être qu’une étape, s’éternise et se transforme en une voie précaire et sans issue.

 

Loin de cette vision anxiogène, de nombreuses opportunités professionnelles s’ouvrent pourtant aujourd’hui aux docteurs. Dans le domaine des sciences de la vie et de la chimie par exemple, où le public à le plus de mal à absorber les néo-diplômés, le secteur privé représente une source importante d’emploi, notamment dans les départements de recherche et développement. Par ailleurs, le secteur de l’innovation est également en pleine expansion. Avec l’essor des start-ups et la volonté des universités de valoriser leur recherche grâce au transfert technologique, le besoin de professionnels hautement qualifiés est croissant. On retrouve en effet de nombreux docteurs à des postes de chargé de projet, de chargé d’affaires, de directeur des opérations voire de directeur général pour ceux qui ont décidé de se lancer dans l’entrepreneuriat. Directement après le doctorat ou après une courte formation complémentaire, nombreux sont ceux qui ont su tirer profit de leur expertise scientifique en-dehors du parcours académique classique. Cependant, peu de jeunes chercheurs, sont conscients de leur potentiel au-delà de la recherche académique. Identifier ses compétences transversales et réfléchir à son projet professionnel sont des exercices peu pratiqués au cours du doctorat. Le travail de réflexion que nécessite le doctorat et le travail expérimental laissent en effet peu de temps pour envisager et préparer son futur sereinement. C’est ainsi que bon nombre de jeunes chercheurs terminent leur doctorat sans emploi, ou alors s’engagent par défaut dans un post-doctorat.

 

 

Nombreux sont ceux à s’engager dans des projets associatifs en parallèle de leur doctorat, comme l’organisation des Forum BIOTechno pour les jeunes chercheurs, par les jeunes chercheurs. (Photo Ludovic Enkler)

Face à ce constat, chaque année, et depuis 20 ans, les associations françaises de jeunes chercheurs mutualisent leurs forces au sein du Réseau BIOTechno pour donner la chance à chacun de prendre le temps d’envisager son futur concrètement. Lors des Forum BIOTechno, qui sont les journées phares du Réseau BIOTechno, les jeunes chercheurs sont invités à entrer en contact avec un monde qui leur était jusque-là trop souvent inconnu : celui du secteur privé. Grâce à ce type d’événement, ce sont des centaines de jeunes chercheurs qui ont l’opportunité d’apprendre à construire leur propre réseau, et ainsi accéder à un marché de l’emploi plus vaste que les seules annonces publiées par les recruteurs. A travers ces actions, le Réseau BIOTechno souhaite ainsi promouvoir le doctorat en tant qu’ expérience professionnelle à part entière et contribuer à changer l’image de « Professeur Tournesol » des docteurs auprès du secteur privé, qui a tant besoin de ces talents hautement qualifiés et formés à l’innovation. Fort de cette expérience depuis 20 ans, le Réseau BIOTechno est soutenu chaque année par de nombreux partenaires des biotechnologies, signe d’un intérêt des entreprises pour les professionnels issus de la recherche. Cette année, M. Jacques Volckmann, directeur général de l’entreprise Sanofi Vaccine Technologies et Mathias Fink, Professeur à l’ESPCI ParisTech étaient les parrains des Forum BIOTechno de Lyon et Paris, respectivement. Devant le désarroi des jeunes chercheurs aujourd’hui face au peu de postes de chercheurs accessibles en France dans le secteur académique, le Réseau BIOTechno a encore toute sa raison d’être pour continuer à accompagner les docteurs dans la valorisation de leurs compétences et le développement de leur projet professionnel.

 

 

“Chaque année les choses s’améliorent et les mentalités changent grâce à l’implication de toutes les personnes engagées dans l’avenir et l’insertion des docteurs sur le marché du travail. Mais chaque année encore j’observe malheureusement, des doctorants et post-doctorants perdus et déjà découragés aux vues de leur perspectives professionnelles… J’ai même trop souvent des docteurs qui me disent retirer leur doctorat de leur CV. Longtemps cela a été une incompréhension, sachant bien ce que le docteur peut apporter à une entreprise mais aussi en voyant le nombre d’entreprise qui recherchent des docteurs.

Il y a aujourd’hui et plus que jamais des discours à changer au sein des universités mais aussi au sein des entreprises afin d’accepter qu’aujourd’hui les écoles doctorales ne forment plus que des enseignants ou des chercheurs mais aussi des personnes pivots opérationnelles très rapidement dans les entreprises. Les qualités des docteurs sont nombreuses et en adéquation totale avec les attentes des recruteurs d’aujourd’hui. L’adaptabilité, la résilience, la créativité, la force de proposition, la résistance au stress et à l’incertitude pour les plus importantes sont des qualités présentes chez toute personne qui a su décrocher un doctorat.

C’est donc à vous recruteurs et académiciens de reconnaître l’apport inestimable des docteurs que cela soit dans le monde académique comme le secteur privé. Enfin et le plus important c’est à vous docteurs et futurs docteurs, d’être fier et de valoriser vous-même votre formation ! Vous en êtes les ambassadeurs, construisez le monde de demain !”

Dr. David Bruchlen, Président du Réseau BIOTechno